dont je reconnais l'influence (peut-être pernicieuse) sur ce texte à la fois quant à son fond et quant à sa forme.
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Je dois bien l'avouer : dès ma plus tendre enfance
J’ai été intrigué par cette différence :
Je possédais garçon, un curieux appendice
Que n'avaient pas mes sœurs, elles entre les cuisses,
Plutôt que chêne dur frêle brin de roseau
Maman le qualifiait de « tout petit oiseau ».
Bien loin d'être pourtant un animal volage
Il restait sagement confiné dans sa cage
Il me semblait exclu que cette bestiole
Puisse se doter d'ailes et prendre son envol.
Elle demeurait là dans son nid sagement
Prenait quelquefois l'air mais clandestinement.
Car laisser cet oiseau exposé aux regards
Était péché choquant, vice rédhibitoire.
Et il fallait cacher ses bijoux de famille
Chaque fois qu'on devait soulager sa vessie.
Refermer prestement ses boutons de braguette
On vous menait alors, monsieur, à la baguette.
Ma psyché de garçon discernait bien plutôt
Dans ce prolongement un valeureux tuyau
Avec lequel souvent son fier propriétaire
Matait des incendies et feux imaginaires.
Ou défiait crânement les plus proches copains
A qui arroserait de son jet le plus loin.
En avait-il assez de combattre les flammes?
Objet inanimé avait-il donc une âme?
En tout cas le fait est que devant la caserne
L'étendard avec gland * ne resta plus en berne.
Obéissant soudain à quelque ordre invisible
On le hissait souvent, oriflamme ostensible.
Sentinelle aux aguets cachée dans sa guérite
Que l'envie de servir et le devoir habitent,
Voilà qu'il se mettait tout seul au garde-à-vous.
Était-ce excès de zèle, vous demanderez-vous?
Souvent sur le qui-vive, là dans son échauguette
Il se manifestait sans tambour ni trompette.
Dans l'être le plus froid et le plus impassible
Se cache bien souvent une âme si sensible!
Et peut-on à jamais rester inébranlable
Il est dans l'existence choses incontournables :
Il fallut bien un jour malgré peur et tabou
Se décider à prendre tout ça par le bon bout.
Loin du consensus mou de tous ces moralistes
Tous ces pisse-vinaigre et autres conformistes
Braver les interdits en des actions nocturnes
Activer son engin pour en vider les urnes.
Avec de bons amis alors nous échangions
Les derniers résultats de nos explorations.
Ces temps heureux voyaient notre vocabulaire
S'enrichir chaque jour tantôt de mots vulgaires
Tantôt de mots savants, tantôt d'allégories
Tantôt d'associations plus ou moins réussies
Désignations diverses plus bandantes que celles
De ces cours, aujourd'hui, d'éducation sexuelle.
Pour dénommer l'objet, jour et nuit je gamberge
Depuis qu'à ce propos mon garçon m'enquiquine
Car l'épineux sujet sans cesse le turlupine
Mais chez les spécialistes les opinions divergent
Et sont souvent affaire de subjectivité :
La parfaite raison fuit toute extrémité**.
La chaussée est glissante : risque de dérapage.
Pour le fils du taxi c'était un tête à queue
Pour le fils du gendarme quelque engin belliqueux
Revolver ou matraque ou sabre d’abordage
Pour Eve ma cousine, quelque sournois reptile.
Pour mon frère un piston, pour ma sœur un pistil.
Chacun, vous le savez, voit midi à sa porte :
Le neveu du concierge y voyait une clé
Destinée à ouvrir quelque réduit secret.
Le fils cadet du peintre, une nature morte.
Il est vrai que son truc semblant souvent en panne.
Le contraignit plus tard à prendre la soutane
Le fils du boulanger y voyait une flûte
Le fils du pâtissier savoureux sucre d'orge
Ou sucette à l'anis vous fondant dans la gorge
Anatole, un gourdin, mais c'était une brute.
Le fils du tapissier un rouleau de printemps
Ma prude voisine un rat d'égout dégoutant.
Et le fils du pêcheur, un goujon qui frétille
Celui du buraliste, un havane à moustaches
Le fils du vigneron, un gros rouge qui tache
Celui du braconnier, un fameux piège à fille
Le fils de l’opticien, binoclard hypocrite,
N'y voyait rien du tout, mais il était presbyte...
Pour mon cousin germain c'était un zeppelin
Morgane, ma cousine très imaginative
Voyait dans ce machin en sa phase éruptive
La baguette magique de l'enchanteur Merlin
Ou de quelque fée dont elle prétendait
Maîtriser l'art subtil et percer les secrets.
Il était parmi nous, un certain Théodore
Un nain difforme et laid et fui des demoiselles,
Dégoûtées par ses érections pestilentielles,
Répandant à l'entour fumet de hareng saur.
Il aurait depuis lors percé en politique
Serait le président de quelque république.
Le fils du psychologue n'y voyait que des ob_
sessions assez frivoles d'adolescents en rut
Défoulements malsains, vices tous azimuts,
Mais je fais l'hypothèse qu'il était sexophobe
Pour un enfant de psy, je sais c'est regrettable***
Mais il en est aussi d’extrêmement valables.
Le neveu du curé tout à sa dévotion
Devait expier au prix de prières et cierges
Tout le temps consacré à cette sainte verge.
Obtenant de son oncle par là l'absolution.
Ce couillon, il faut dire, lui confiait à confesse
Tous ses péchés mignons et histoires de fesse.
Justin, le fils du juge nous déclarait coupables
Décrétait la saisie de l'objet du délit
Comment rester sereins en nous mettant au lit
S'il nous fallait hélas plus tard nous... mettre à table.
Nous fîmes abstraction pourtant de ses menaces
Et si l'on nous jugea, ce fut par contumace.
Mais je vais cesser là l'ignoble évocation
D'un obsédé textuel, cochon mal dégrossi
Qui a du en choquer plus d'un, plus d'une aussi
Mesdames je vous prie accordez-lui pardon,
S'il a indisposé vos si chastes oreilles
Et veuillez s’il vous plaît, lui rendre la pareille.
** Le misanthrope, Acte I Scène 1, Molière