Nous séjournions dans une case de cette poussière d'île, au large de Madagascar,
l'île au nattes, chez Tity. Le temps était à la pluie, comme souvent à cette saison sur la côte est de la grande île. Averses violentes et répétitives.
Quelques années nous séparaient, mais bien d'autres choses nous rapprochaient et une fois la réserve initiale disparue, il m'invita à le suivre dans une case, mit en route son ordinateur portable, me colla des écouteurs sur les oreilles et me fit entendre quelques unes de ses chansons, dont la première fut les corniauds, une de ses anciennes créations, gravée à l'époque sur un vinyle produit par Pierre Perret.
Inutile de dire l'émotion que cette chanson réveilla en moi et la marque de confiance qu'il me faisait en la partageant avec moi.
Aussi lorsque j'ai vu qu'
un reportage de Frédérique Pollet Rouyer "Né sous Z" était consacré à ces autres "corniauds", victimes collatérales des guerres coloniales indochinoises, je n'ai pas voulu le rater malgré l'heure tardive à laquelle il était diffusé sur France 2. Reportage à la fois touchant à travers le témoignage de Robert, mais apportant des éléments historiques de compréhension et de réflexion sur la politique menée par le gouvernement de l'époque. Merci à l'auteur de cette contribution.
Jean-Claude m'a fait l'amitité de m'envoyer la vidéo de son premier passage à la télé dans une émission de Jacques Martin où il chante cette chanson.
Jean-Claude Rémy chez Jacques Martin en 1977... par zigautomatic
Tout cela m'a incité à mettre en ligne la version plus actuelle de la chanson.
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LES CORNIAUDS
1
Il adorait le foot,
Les balades en traction
Les jupons, les chansons
Tous ces bonheurs qui font
Qu’une vie est si courte.
Cet étourneau,
Ce grand costaud,
Ce passereau,
C’était mon père…
2
Les cancans, les ragots
Des « Anciens d’Indochine »
Content qu’il fut dingo
D’un souillon de cuisine
Longtemps sa concubine :
Cette fille en
Tablier blanc,
Obéissant,
C’était ma mère…
3
Peut-être qu’il l’aima,
Cette bonne à tout faire
La farce ne le dit pas
Et ceux qui la jouèrent
Sont tous au cimetière !
J’sais pas pourquoi
Je déballe tout ça :
Elles sont à moi
Ces ombres chères !
4
Faut dire que dans ce coin
Il était très commun
De greffer des gamins
Aux filles indigènes :
Nous sommes des centaines !
Ricanez pas
Fils à papa,
Fabriqués à la régulière !
5
Puis ce vieux dégourdi
Des amours ancillaires
Ramena ses petits
Mais oublia leur mère
Au milieu des soupières.
Et c’est ainsi
Salut Paris !
Que j’ai grandi
Loin des rizières…
6
Mais bien d’autres restèrent,
Anonyme marmaille,
Graines de légionnaires
Semés dans la pagaille
Des soirs de représailles.
Eparpillés
De barbelés
En barbelés,
De guerre en guerre.
7
Salut tous les corniauds,
Les indéfinissables,
Salut tous les corniauds
Sans terre ni drapeau,
Les quatorzièmes à table
Que mauvais vents,
Que temps violents
Haine et slogans
Déracinèrent,
CODA
J’sais pas pourquoi
Je déballe tout ça :
Mon monde à moi
Mes p’tites misères…